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Le black bloc, expansion d’une tactique d’ultragauche controversée

Histoire d’une notion. Depuis 2020, le black bloc dispose d’une définition officielle. Il est un « groupe d’individus cagoulés et vêtus de noir qui recourt, à la faveur de manifestations sur la voie publique, à des actions violentes concertées », selon un avis du Journal officiel, qui recommande de le franciser en « bloc noir » ou en « cagoules noires ». Cet honneur institutionnel témoigne de l’enracinement en France d’un phénomène qui s’est installé en tête des cortèges depuis les manifestations contre la « loi travail », en 2016. Le black bloc polarise la couverture médiatique du mouvement social, suscitant une sidération qui fait simultanément sa notoriété et son discrédit. Ses méthodes violentes le conduisent à être identifié « un peu rapidement, à l’anarchie et à une certaine irrationalité destructrice », observe le politiste Francis Dupuis-Déri dans Les Black blocs. La liberté et l’égalité se manifestent (Lux, 2019), ouvrage francophone de référence sur le mouvement.
Dans Black bloc. Histoire d’une tactique (Excès, 2022), Camille Svilarich regrette que la stratégie soit souvent « confondue avec la délinquance urbaine des banlieues populaires françaises et la figure des “casseurs” » : cette grille d’analyse dépolitisante parasite la compréhension du phénomène, qu’elle définit comme une « forme d’action collective » sporadique mais coordonnée par un groupe formé selon une logique affinitaire, dont chaque mot est pourtant lourd de signifiants politiques.
Le noir, d’abord, ne répond pas seulement au souci d’anonymat ; sa puissance optique en fait aussi une « esthétique politique à l’œuvre », écrit Maxime Boidy dans sa thèse « Sociologie et culture visuelle du black bloc » (université de Strasbourg, 2014). Le bloc, ensuite, correspond à une « technique de l’apparaître » qui métaphorise la force de la masse, poursuit ce sociologue dans « Qu’est-ce qu’un bloc en politique ?  » (Techniques & culture, 2020).
L’histoire du black bloc, elle, se cristallise à travers deux dates : 1980 et 1999. La première marque sa naissance en l’Allemagne de l’Ouest – le premier black bloc s’y serait formé en mai, à Brême. La technique émane du mouvement autonome et antifasciste local, lui-même héritier de la mouvance née dans l’Italie des années 1960-1970 en marge du communisme officiel, avec le désir d’une utopie anticapitaliste à réaliser immédiatement, notamment par l’action directe. Bientôt qualifiée par les médias et la police de schwarzer Block (« bloc noir »), la tactique se développe tout au long de la décennie, avant de se diffuser à l’étranger dans les années 1990, « principalement à travers le réseau de la contre-culture punk et d’extrême ou d’ultragauche », note Francis Dupuis-Déri.
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